J’étais encore à contempler ce tableau, quand, soudain, un
vent glacé souffla et la neige se mit à tomber. Je pensai aux milles
et aux milles que j’avais parcourus dans cette campagne déserte,
et j’allai m’abriter sous les arbres, en face de moi. Le ciel
s’assombrissait de minute en minute, les flocons de neige
tombaient plus serrés et avec une rapidité vertigineuse, si bien
qu’il ne fallut pas longtemps pour que la terre, devant moi, autour
de moi, devînt un tapis d’une blancheur scintillante dont je ne
distinguais pas l’extrémité perdue dans une sorte de brouillard.
Je me remis en route, mais le chemin était très mauvais ; ses
côtés se confondaient ici avec les champs, là avec la lisière du
bois, et la neige ne simplifiait pas les choses ; aussi ne fus-je pas
long à m’apercevoir que je m’étais écarté du chemin, car mes
pieds, sous la neige, s’enfonçaient de plus en plus dans l’herbe et,
me semblait-il, dans une sorte de mousse. Le vent soufflait avec
violence, le froid devenait piquant, et j’en souffrais véritablement,
en dépit de l’exercice que j’étais bien forcé de faire dans mes
efforts pour avancer. Les tourbillons de neige m’empêchaient
presque de garder les yeux ouverts. De temps en temps un éclair
déchirait les nues et, l’espace d’une ou deux secondes, je voyais
alors devant moi de grands arbres – surtout des ifs et des cyprès
couverts de neige.
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